Nina Administrateur
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Posté le: Mer Sep 28, 2011 12:28 Sujet du message: |
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cafi , D ROLLAND
22 mai 2011
Cafi stardust memories
Avec la fin de l’étude du cabinet Arcus et la restitution des résultats, nous allons entrer dans une nouvelle phase de réflexion sur le lieu de mémoire. Quand je dis nous, c’est eux, parce que pour l’instant, en aucune manière, ni moi ni mes collègues ethnologues et historiens, spécialistes du Cafi ne sommes impliqués. Le serons nous, sous quel forme, avec quel statut? C’est bien compliqué, dans la mesure où nous avons été délégitimés sur ce qui constitue notre terrain- et qui est bien plus qu’un terrain, compte tenu des liens qui nous unissent au camp.
Un comité de pilotage réuni récemment a permis aux associations conviées de prendre acte des résultats de l’étude. Je n’étais pas présente, mais j’ai eu des compte rendus oraux, et le résumé, sous forme de schéma de la présentation de D.Mandouze. Ce n’est donc que parcellaire. Je ne sais si le document complet sera rendu public-il me semble qu’il devrait l’être, je ne connais pas bien les règles en la matière.
Première interrogation, j’ignore où on en est du cahier des charges-mais je n’ai pas non plus le document qui a permis au cabinet Arcus d’être retenu, de préférence à nous. Normalement, l’étude prévue pour dix mois, doit être achevée. Or il semble que le cabinet Arcus poursuive ses activités, soit sur une nouvelle mission -auquel cas, ne devrait-il pas y avoir un autre appel d’offre?-, soit sur la même mission en raison d’un dérapage de calendrier.
Cette deuxième hypothèse me paraît vraisemblable. Il es tquestion de mettre en place des groupes de travail, ce qui correspondrait à la deuxième phase de l’étude préalable. Dans le calendrier que nous avions proposé, ceci serait intervenu bien avant, dès le troisième mois de l’étude…
Cela n’a rien d’étonnant. Nous avions précisé dans notre dossier que pour nous la phase 1 serait réduite au strict minimum, puisque, travaillant depuis longtemps sur le camp, nous n’avions pas besoin de ce temps de prise de contact avec le terrain. C’est aussi pour cela, que nous avions présenté un budget inférieur de la moitié.
Ce n’est aucunement de la faute du cabinet Arcus, peut-être qu’ils ne pouvaient pas savoir où ils mettaient les pieds et à quel moment de l’histoire du camp ils arrivaient. Mais j’avais mis en garde ici même: je savais bien qu’il était presqu’inutile d’ouvrir une permanence au camp, qu’aucun résident n’irait raconter à des inconnus l’idée qu’il se faisait de sa mémoire et de la façon dont il fallait la transmettre. En revanche, ce débat nous l’avions fréquemment dans des conversations personnelles, et presqu’intimes, depuis longtemps, avec les gens du camp. Ils nous faisaient confiance. A nous. C’est une population fragile, et fragilisée par la disparition des lieux, comment pouvait-on imaginer que des personnes étrangères à leur histoire puissent recueillir leurs sentiments? Quand les résultats de la consultation pour l’appel d’offre ont été connus, tous ont pensé qu’il y avait une embrouille, ils ne pouvaient même pas imaginer que nous ne soyons pas leurs interlocuteurs. J’ai été obligée de leur expliquer que le cabinet Arcus, ce n’étaient pas des pistonnés, parce que c’est le bruit qui a immédiatement couru.
Forcément.
Par ailleurs, nous possédons, les uns et les autres, des wagons d’entretiens enregistrés avec une profondeur de plus de 30 ans, entretiens réalisés avec la présence des chercheurs en continu dans le camp.
Ceux qui nous ont écartés portent une très lourde responsabilité, car eux savaient ce qu’il en était, ou pouvaient bien imaginer ce qui aller se passer. Et si j’en veux à quelqu’un, ce n’est certes pas à Daniel Mandouze qui n’y est pour rien. J’en veux aux responsables qui nous ont écartés, car il est clair que ce n’est pas le cabinet Arcus qui a été choisi, mais bien nous qui avons été éliminées, sur des arguments stupides, qui ne témoignent que d’une ignorance à peine imaginable du contexte et des enjeux du lieu de mémoire. Ecartées parce que trop proches des gens, écartées parce qu’on allait vouloir imposer des points de vue (la théorie du “projet clé en mains”!!!!), écartées parce qu’universitaires, parce qu’étrangères à la région (ah les parisiens!!)…alors que nous étions la garantie d’un dialogue possible!!!
OK, on ne va pas s’énerver, on est dimanche matin, il fait beau…. ce qui est fait est fait et on ne peut pas revenir là -dessus. Il faut parler de l’avenir.
Ce temps passé aura au moins servi à l’équipe retenue, et nul doute qu’ils n’aient beaucoup appris, et beaucoup compris- sauf que leurs conclusions, nous les avions déjà très largement énoncées. Et je ne peux pas me défaire de ce sentiment désagréable qu’on a refait derrière nous un travail que nous avions accompli de manière plus approfondie. Ce n’est pas une surprise, c’est juste du temps perdu.
Et puis il y a des conséquences. A ce jour et dans cette première phase, le cabinet Arcus n’a travaillé avec aucun historien, sociologue ou ethnologue spécialiste du Cafi ou de l’Indochine. Comment le pourraient-il, puisque les spécialistes en question c’est nous, ou des gens auxquels nous sommes liés, et qui ont été outrés par notre éviction?
A ma connaissance, aucun projet de lieu de mémoire de ce type ne s’est fait sans, dès le départ, la participation des spécialistes de sciences humaines et de muséographes; ça n’a pas de sens de se priver de leur expertise. Ce n’est pas par ignorance que le cabinet Arcus ne s’est pas associé ces compétences incontournables, c’est parce qu’il ne pouvait décemment pas nous associer alors que nous avions été délégitimés. Et que nous n’avions aucune raison de travailler pour nos concurrents. Beaucoup de gens du camp nous ont demandé pourquoi le cabinet Arcus ne faisait pas appel à nous: ils ne comprenaient toujours pas…
Quant à la muséographie, c’est presque pire. Bien sûr qu’ils peuvent en trouver de compétents, mais la seule qui ait travaillé avec le Vietnam et sur des lieux de mémoire en France, c’est Véronique Dolfus, qui fait partie de notre équipe, et avec qui, associée à Christine Hemmet, j’ai instruit le dossier de revalorisation des musées du Vietnam!
Sont prévus des ateliers, réunissant des associations et le cabinet Arcus, pour définir un projet (nous avions prévu ces séances dans un calendrier qui les plaçaient en tout début d’étude, avec Véronique pour leur fournir des outils de compréhension du travail muséographique…). A ce stade, il n’est pas possible de faire l’impasse sur les compétences en sciences humaines. Qui? nous? avec quel statut? Lequel, du reste, pourrait être acceptable?
Car il y a un autre problème, de fond, c’est celui du projet lui-même.Il a été pensé en dehors de ces compétences, pour l’instant. Si les propositions de mise à disposition de locaux associatifs est certes bienvenue (mais il fut encore réfléchir à leur utilisation: si ça ne doit servir que pour le Têt et un 15 aout qui va s’étioler au fil des ans…), comme du reste la nécessaire réflexion de l’intégration du lieu de mémoire aux bâtiments d’habitation, la proposition d’une maquette du camp comme seul hypothèse muséographique est ahurissante. C’est une présentation obsolète, qu’on ne voit plus dans aucun musée. Si sauf, au Viet Nam, où j’ai passé beaucoup de temps avec mes collègues du Quai Branly pur proposer des alternatives scénographiques plus innovantes et dynamiques, c’est pour ça que ça me fait sourire, ce retour aux maquettes. Des ateliers sur ces questions de mémoire, nous en avons animés beaucoup au Vietnam, nous en avons une grande habitude. Et les résultats commencent à se faire sentir. Les musées revalorisés par ce travail d’accompagnement ont aujourd’hui une reconnaissance internationale, et une affluence accrue.
Au Cafi,il y a urgence de faire intervenir des gens dont c’est le métier. Oui, la muséographie est un métier, qui ne s’improvise pas, et aucun projet ne peut se penser sans cette compétence qui allie savoir technique, créativité, interface avec les spécialistes de sciences humaines, inventivité, mais aussi connaissance des contraintes financières et matérielles, réflexion sur la politique des publics, etc.
C’est au moins aussi important que les spécialistes du contenu. Les ateliers ne pourront aboutir à aucun projet valide sans ces deux expertises, car les participants n’ont aucune connaissance de ce qui est possible et de de ce qui impossible, ni des règles de fonctionnement, ni même l’idée de ce qu’est une muséographie. Nous avions sollicité Véronique pour ça, avant tout: donner aux résidents des instruments pour penser le projet. Ca n’a pas été fait, ça ne le sera apparemment pas. Pourtant, c’était là que notre méthodologie était inventive et adaptée au contexte.
C’est de cette méthodologie, de cette compétence et de ces savoir-faire que l’on s’est privés pour le lieu de mémoire.
J’espère que chaque personne qui me lit aujourd’hui en a une claire conscience.
Que faire, je n’en sais rien, franchement. |
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